Les photos que le Pentagone voulait cacher

Russ Kick dépose donc, en octobre 2003, une demande en vertu de cette loi auprès du Pentagone pour obtenir «Toutes les photos montrant des cerceuils (ou autres dispositifs) contenant les restes de militaires étasuniens à la base aérienne de Dover. Ceci inclut, sans sy restreindre, les cerceuils qui arrivent, qui partent, et tout rite funéraire qui soit pratiqué. Dans le temps, cette demande vise la période séchelonnant du 1er février jusqua présent.» Il dit avoir précisé la base de Dover car elle est le point darrivée de tous les corps rapatriés du front.
Kick nest pas été étonné dessuyer un refus, mais interjette appel. Le 29 mars, il trouve sur le site Web de la base de Dover une page (avec illustration) sur les procédures funéraires en vigueur, elle disparaît du site peu de temps après, mais est reprise par Kirk sur son site. Le 14 avril, le quartier général des opérations de transport de larmée de lair lui fait parvenir, sur cédérom, 361 photos correspondant à la description contenue dans sa demande initiale. La seule modification apportée par le Pentagone aux photos a été le masquage des insignes nominatifs.
Le 21 avril, le Seattle Times publie une photo, mais celle-ci lui arrive dune personne, Amy Katz, dont lamie, Tami Silicio, travaille pour une entreprise de Seattle, Maytag Aircraft, sous-traitante du Pentagone. Elle illustre des cerceuils recouverts du drapeau des États-Unis à lintérieur dun avion en partance du Koweit. La photo, publiée en page frontispice du Times, accompagne un article un article sur la triste tâche dhonorer les militaires tombés au combat et dans lequel Silicio est interviewée. Le lendemain Silicio, et son conjoint David Landry lui aussi à lemploi de Maytag Aircraft, sont congédiés pour avoir violé les consignes sur linterdiction de photographier les cerceuils militaires.
Le 22 avril Russ Kick, qui avait publié deux photos présumément prises par Silicio et une troisième dorigine inconnue rend disponible sur son site lensemble des photos quil a reçues du Pentagone. La nouvelle de cette diffusion fait le tour du globe à la vitesse dInternet, et rapidement le serveur de Memory Hole ne peut accommoder toutes les requêtes. Cest alors que les sites Warblogging.com et Antiwar.com sentendent avec Russ Kick pour se partager la bande passante dun site miroir pour les photos.
Le chroniqueur Matt Drudge reprend cinq photos de Memory Hole sur son site, déclarant quà lère dInternet, linformation et les images circulent sans égard aux décrets gouvernementaux. Il néglige toutefois daccorder quelque crédit que ce soit à Russ Kick.
Le 23 avril, la station de radio de Seattle KTTH découvre que Katz et Silicio ont intenté en septembre 2000 une poursuite pour harcèlement sexuel contre la société Halliburton, alors dirigée par lactuel vice-président Dick Cheney. Katz et Silicio étaient alors au Kosovo, à lemploi de la filiale Brown & Root de Halliburton. Les deux femmes nient avoir orchestré la publication des photos de Silicio à des fins politiques, et navoir agi que par souci du besoin de savoir du public.
Interrogé sur la réaction du président à la publication des photos, le porte-parole de la Maison blanche Trent Duffy a déclaré quil estimait que cétait un rappel important des sacrifices consentis pour protéger le pays et libérer dautres peuples. Si la diffusion de telles photos joue un rôle positif, ne devrait-on pas en lever linterdiction? De répondre Duffy : «Ce nest pas ce que jai dit [...] Dans toute cette affaire, nous devons être soucieux du respect de la vie privée et de la sensibilité des familles des disparus. Cest le fondement de notre politique, et notre plus sincère préoccupation.»
Pour sa part, le sous-secrétaire adjoint du ministère de la Défense, John Molino, a déclaré «Nous ne voulons pas que les dépouilles de nos militaires qui ont fait lultime sacrifice fasse lobjet dune attention qui ne soit pas justifiée ou qui manque de dignité.»

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