22.3.04

Un militantisme à repenser?

22 mars 2003Samedi dernier, le Collectif échec à la guerre invitait à manifester pour la fin de l’occupation de l’Irak. À Montréal, comme dans la pulpart des villes du monde où des manifestations semblables se tenaient, la participation a été très faible à comparer aux grands rassemblements de l’an dernier. Doit-on y voir un désabusement de la part de ceux et celles qui avaient manifesté en si grand nombre l’an dernier? Y a-t-il perception d’échec? Est-il encore possible de faire sortir la population dans la rue, et si oui pour quelle cause? On ne saurait qualifier trop vite d’échec l’expression de l’opposition à la guerre annoncée de 2003. Certains diront que si l’invasion n’a pas été évitée, l’opposition aura influencé la manière avec laquelle elle s’est déroulée et, pour le Canada, les apparentes distances prises à l’égard de Washington. Insistons ici sur le fait de l’«apparence» de ces distances. Le 25 mars 2003, l’ambassadeur étasunien à Ottawa, Paul Cellucci, disait devant le Economic Club de Toronto que le Canada soutenait davantage, mais indirectement, l’invasion en Irak que la plupart des 46 pays ayant manifesté ouvertement leur appui aux États-Unis. (Voir Canada’s “Secret” Contribution to the War in Iraq de Richard Sanders).

Aux États-Unis, le militantisme anti-guerre aussi se trouve en plein questionnement. La fin de semaine dernière, Mark Engler dans son article The Momentum of the Movement posait les deux questions essentielles : «Qu’avons-nous accompli, et quelle sont les prochaines étapes?» S’il est vrai qu’en février 2003, le New York Times qualifiait l’opinion publique de «deuxième superpuissance mondiale», cette opinion n’aura pas fait le poids devant les va-t-en guerre de la Maison Blanche. Mais, comme le souligne Engler, les manifestations publiques d’opposition auront façonné de manière sensible la perception des enjeux. Distinguons aussi, aux États-Unis, l’opposition à la guerre qui se confond à l’opposition à George W. Bush, même si on se demande si la situation serait bien différente avec John Kerry à la Maison blanche.

Revenons au Québec et reposons la question : Est-il encore possible de faire sortir la population dans la rue, et si oui pour quelle cause? La construction de la centrale du Suroît a mobilisé quelques milliers de personnes, le gouvernement a reculé temporairement, mais y a-t-il cause à effet pour autant? Le renversement de Jean-Bertrand Aristide en Haïti, orchestré par Paris et Washington et avalisé par Ottawa, n’a eu aucune répercussion marquante dans les rues. Certes, il y a bien la quelque dizaines de manifestants pro-Palestine, chaque vendredi, pour une vigile silencieuse devant le consulat israélien, mais c’est peu si on considère l’énormité de la situation.

Je me souviens d’un graffiti vu il y a plusieurs années sur une rue attenante à Saint-Laurent. «If voting could change anything, it would be illegal». Serait-ce l’état d’esprit qui s’est emparé du public à l’égard des manifestations, et qui force les organisations militantes à repenser leur action?
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