À vos compteurs
Depuis une semaine, jai limpression de vivre le nez collé en permanence sur une batterie de compteurs tous aussi sordides les uns que les autres. Christian Christensen, professeur de communication à lUniversité dIstamboul, appelle ça la «pornographie des bilans de victimes».
Jai trouvé écho à ce sentiment dans le MHM qui publie maintenant sous forme de journal : «le journalisme de crise se vit en journalisme de palmarès : il s'agit désormais surtout d'établir une comptabilité sinistre, puisqu'enfin nous vivons dans la société du Calcul, où la mort même se mesure, comme les prix [...] Nous avons donc le palmarès des victimes occidentales (Et notre gagnant est... la Suède!), le palmarès des victimes locales, le palmarès des pays donateurs (où la polémique déjà se développe sur la pingrerie des États-Unis), et LE GRAND COMPTEUR, qui, comme au Téléthon, égrène le Grand Total, ici, tristement, celui des victimes...»
Retour sur la pingrerie des États-Unis dont le compteur daide aux sinistrés est passé de 4 à 15 puis à 35 millions de dollars, pour ensuite bondir soudainement à 350 millions. Aurait-on flairé les contrats de reconstruction? Pingres les États-Unis? Mais voyons, quelle idée, car comme le souligne Heather Woksuch nest-ce pas le pays qui consacre présentement 270 millions de dollars par jour à instaurer la démocratie en Irak?
Il y a aussi dautres compteurs, des indices, quil ne faut évidemment pas perdre de vue, et on lit dans LHumanité : «Les tsunamis ont tué des dizaines de milliers de personnes, mais les Bourses dIndonésie et dInde battent des records [...] Pour les investisseurs, le chiffre clé, depuis dimanche, na pas été le bilan humain catastrophique dun raz de marée sur les côtes de locéan Indien, peuplées dhommes et de femmes qui avaient peu de poids dans les mouvements de léconomie mondiale. Le monde des affaires sest plutôt penché sur des études constatant que les compagnies dassurance étrangères sortaient quasiment indemnes des vagues meurtrières [...] Mais ce nest pas nécessairement un si grand événement en termes économiques, remarque Eddie Wong, analyste en chef pour lAsie chez ABM Amro. Les dommages subis par les bons hôtels ne semblent pas graves, note-t-il. Même si certaines chaînes hôtelières ont pu être affectées, il y a aussi des gagnants en termes économiques tels que les producteurs de ciment, insiste-t-il.»
Puis, létrange compteur birman qui, avec 1 930 kilomètres de côtes, reste obstinément bloqué à 53 disparus. Voisine de la Birmanie, la Thaïlande (3 219 km de côtes) rapporte 4 800 disparus, et le Sri Lanka (1 340 km de côtes, et à même distance de lépicentre du séisme) 28 000 disparus. Cest vrai quen Birmanie, après quatre décennies de régime militaire, on peut aller en prison pour avoir fait étalage de sa pauvreté ou de sa détresse.
Il y a peut-être une vertu à ces compteurs, comme lexplique Christensen. «Les chiffres sont si énormes, et mon expérience de la mort à cette échelle (à nimporte quelle échelle en fait) est si limitée que je ne peux pas comprendre ce qui se passe, je ne peux que me reposer sur les statistiques» écrit-il, ajoutant «La couverture journalistique de la crise est nécessaire pour montrer au monde ce quest une crise humanitaire denvergure, et pour ce faire il faut montrer la mort. Ce dont nous navons pas besoin, toutefois, cest une couverture qui exploite les tendances voyeuristes de notre psyche.»
Jai trouvé écho à ce sentiment dans le MHM qui publie maintenant sous forme de journal : «le journalisme de crise se vit en journalisme de palmarès : il s'agit désormais surtout d'établir une comptabilité sinistre, puisqu'enfin nous vivons dans la société du Calcul, où la mort même se mesure, comme les prix [...] Nous avons donc le palmarès des victimes occidentales (Et notre gagnant est... la Suède!), le palmarès des victimes locales, le palmarès des pays donateurs (où la polémique déjà se développe sur la pingrerie des États-Unis), et LE GRAND COMPTEUR, qui, comme au Téléthon, égrène le Grand Total, ici, tristement, celui des victimes...»
Retour sur la pingrerie des États-Unis dont le compteur daide aux sinistrés est passé de 4 à 15 puis à 35 millions de dollars, pour ensuite bondir soudainement à 350 millions. Aurait-on flairé les contrats de reconstruction? Pingres les États-Unis? Mais voyons, quelle idée, car comme le souligne Heather Woksuch nest-ce pas le pays qui consacre présentement 270 millions de dollars par jour à instaurer la démocratie en Irak?
Il y a aussi dautres compteurs, des indices, quil ne faut évidemment pas perdre de vue, et on lit dans LHumanité : «Les tsunamis ont tué des dizaines de milliers de personnes, mais les Bourses dIndonésie et dInde battent des records [...] Pour les investisseurs, le chiffre clé, depuis dimanche, na pas été le bilan humain catastrophique dun raz de marée sur les côtes de locéan Indien, peuplées dhommes et de femmes qui avaient peu de poids dans les mouvements de léconomie mondiale. Le monde des affaires sest plutôt penché sur des études constatant que les compagnies dassurance étrangères sortaient quasiment indemnes des vagues meurtrières [...] Mais ce nest pas nécessairement un si grand événement en termes économiques, remarque Eddie Wong, analyste en chef pour lAsie chez ABM Amro. Les dommages subis par les bons hôtels ne semblent pas graves, note-t-il. Même si certaines chaînes hôtelières ont pu être affectées, il y a aussi des gagnants en termes économiques tels que les producteurs de ciment, insiste-t-il.»
Puis, létrange compteur birman qui, avec 1 930 kilomètres de côtes, reste obstinément bloqué à 53 disparus. Voisine de la Birmanie, la Thaïlande (3 219 km de côtes) rapporte 4 800 disparus, et le Sri Lanka (1 340 km de côtes, et à même distance de lépicentre du séisme) 28 000 disparus. Cest vrai quen Birmanie, après quatre décennies de régime militaire, on peut aller en prison pour avoir fait étalage de sa pauvreté ou de sa détresse.
Il y a peut-être une vertu à ces compteurs, comme lexplique Christensen. «Les chiffres sont si énormes, et mon expérience de la mort à cette échelle (à nimporte quelle échelle en fait) est si limitée que je ne peux pas comprendre ce qui se passe, je ne peux que me reposer sur les statistiques» écrit-il, ajoutant «La couverture journalistique de la crise est nécessaire pour montrer au monde ce quest une crise humanitaire denvergure, et pour ce faire il faut montrer la mort. Ce dont nous navons pas besoin, toutefois, cest une couverture qui exploite les tendances voyeuristes de notre psyche.»
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