Médias : la conversation s’engage

L’autre jour, j’examinais mon outil de relevé de statistiques du blogue et j’ai constaté un bon nombre de consultations dont le point d’origine était le site du Washington Post. Curieux de savoir dans quel contexte le site Web du journal pouvait diriger certains de ses lecteurs vers mon blogue, j’ai consulté la page de référence. C’est que j’avais cité un article du Post dans un de mes billets (Blogues, Web et désastres), que Technorati avait indexé le dit billet, et que le Post publie maintenant avec l’aide de Technorati la liste des blogues (avec liens directs) dans lesquels un de ses articles est cité.
On crée ainsi un produit à valeur ajoutée, car non seulement le lecteur a-t-il accès à l’article, mais aussi aux mentions, commentaires, compléments d’information, rebuffades ou contestations issues de la blogosphère. Grâce à Technorati, et à sa technique d’indexage ultra-rapide du contenu des blogues, on ouvre donc un espace conversant dans le Washington Post, ce qui constitue selon moi une belle avancée.

Pourquoi memeorandum? Rivera explique qu’il y avait un créneau inexploité dans le secteur des actualités en ligne. «Il y a de nos jours un très grand nombre de commentateurs (et de journalistes) cultivés et compétents qui écrivent sur le Web et signalent des sujets qui méritent d’être largement discutés. Je veux que memeorandum soit à l’écoute de ces signaux» dit-il. Il tient également à découvrir rapidement de nouvelles sources d’information, ce qui s’avérait difficile vu l’engouement pour la formule blogue et l’arrivée en masse de nouveaux auteurs.
Puis, c’est la conversation... Selon Rivera, «La communication sur le Web tend de manière naturelle vers la conversation, ce qui tient de la nature humaine et de l’immédiateté d’Internet. Les billets des blogues réagissent souvent à des articles, des essais ou des éditoriaux, et les liens sont très nombreux. Mais les sites d’actualités ignorent souvent ces conversations qui se déroulent presque en temps réel; certains refusent même de croire qu’il y a conversation. Je souhaite que memeorandum se distingue du lot.»
On entre donc avec memeorandum dans la diffusion des mèmes et des anti-mèmes avec pour origine les MT et pour point d’arrivée un espace citoyen de conversation. Le mème, concept établi en 1976 par le zoologiste Richard Dawkins, est une unité d’information (mot, idée, croyance, mythe, coutume, mode, maniérisme) qui peut être transmise d’individu à individu, ou de génération à génération, soit l’équivalent culturel d’un gène.
En 1999, je citais un texte de Renaud Dumeur, «Synthèse de comportements animaux individuels et collectifs par Algorithmes Génétiques» qui écrivait de Dawkins : «Pour cet auteur, un mème est un objet mental qui, tel une créature biologique, lutte pour sa survie [...] le mème se sert de l'individu qui en est porteur afin de se disséminer. Cette dissémination n'est pas, au contraire du domaine biologique, uniquement liée à une activité de reproduction mais dépend des moyens de communication offerts à l'individu. Or la variété de ces derniers, depuis la banalisation de l'accès aux moyens de télécommunication, est de plus en plus aisée.»
Et Demeur posait une question intéressante : «Il faut considérer qu'avec l'homme, l'apparition du langage a produit une entité comparable à une forme de vie : le mème. Mais à la différence d'une forme de vie biologique, un mème peut être stocké sur différents supports, transmis rapidement et dupliqué à peu de frais. Il est même possible d'appliquer la métaphore des mèmes aux hypothèses les plus extrêmes concernant l'évolution humaine. Ainsi, H. Moravec [Moravec, 1988] décrit des machines artificielles capables de traiter (bien qu'il n'utilise pas explicitement le terme) des mèmes produits par les humains, et capables ensuite d'en créer de nouveaux. Cet auteur utilise le terme de décollage génétique (genetic takeover) pour décrire ce processus qui ferait de la machine pensante un descendant de l'homme. Si l'on conserve l'approche de R. Dawkins, celle du mème égoïste, la machine pensante n'est-elle pas le moyen le plus adapté à la survie de certains mèmes , notamment ceux qui concernent les machines pensantes, qu'elles soient naturelles ou artificielles?»
Gabe Rivera, avec son memeorandum, aurait-il fait franchir un nouveau pas aux machines pensantes? Reconnaissons que le concept de machine pensante est ouvert à bien des contestations. En revanche, la description de l’outil de recherche, d’indexation et de recoupement MT/blogues s’inscrit de plain-pied dans la théorie mémétique, et que les mèmes sont partie intégrante de toute conversation. Sinon, pour les pragmatiques, memeorandum est un outil informationnel redoutable.
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